Notre monde est régi par la nécessité de la performance. Très tôt, dès l’âge scolaire, on encourage l’enfant à donner plus que le meilleur de lui-même. Très tôt on lui apprend la compétition et le besoin de s’élever à un niveau supérieur au sein de la société et parmi ses pairs. La dynamique de la compétition et de la performance à tout prix fait donc partie de notre pensée, de notre perception de soi. L’estime de soi se base de plus en plus sur la capacité humaine de relever des défis et d’atteindre des sommets de performance... Mais cette quête exaspérante de la performance cause parfois de grands dommages dans un couple.
Où sont donc passées la compréhension, la communication, l’affection, l’indulgence... L’Amour, quoi ! Dans le lit de nombreux couples modernes, dès le plus petit signe de fatigue sexuel, on se lance dans la recherche de nouveaux plaisirs ou de médication pouvant nous rendre l’ardeur sexuelle des débuts de relation. On oublie souvent qu’à ce moment précis, le corps est soumis à une production excessive de dopamine, ce neurotransmetteur impliqué dans le désir et la recherche du plaisir, et qu’il s’agit d’un processus chimique, qui tend à reprendre sa production normale après quelques mois. Cet état, proche de celui éprouvé sous l’emprise d’une drogue, n’est donc que passager et n’a rien à voir avec une diminution des sentiments ou un manque de performance.
On nous vante tant les mérites de telles ou telles pratiques sexuelles, on nous gave à un point d’études prêchant les vertus du sexe, que l’individu qui n’entre pas dans ce nouveau moule de la sexualité éclatée, se sent moche et peu performant. Le culte de l’orgasme devient si fort que de ne pas faire jouir l’autre prend les proportions d’un échec terrible. Et comme il s’agit d’un cercle vicieux, celui ou celle qui ne jouit pas, se met du coup une pression incroyable pour ne pas décevoir le ou la partenaire. Or on se demande bien ce qu’est le rapport sexuel entre deux personnes. Le devoir d’impressionner l’autre au détriment de tout ou un geste d’amour entre deux individus qui se rejoignent dans la fusion charnelle ?
Il est évident, compte tenu des obligations que chaque personne connaît au quotidien, que la relation sexuelle n’a plus la même dimension que par le passé. Le sexe, alors qu’il était toujours sous la tutelle religieuse, se mythifiait, si bien qu’il devenait l’obsession inavouée de tous les "pauvres pêcheurs". De plus, la vie était certes harassante, mais le seul loisir gratuit que connaissait l’être humain alors c’était le sexe ! Aujourd’hui, entre le boulot, les activités des enfants, les sports et loisirs entre amis, le cocooning et la rénovation, il reste peu d’énergie à l’individu, socialement actif, pour la performance sexuelle à tout prix. Mais en souffre-t-il réellement ou son malaise ne vient-il que du fait que le discours populaire place la performance sexuelle au-dessus de tout ?
Comme pour tous les diktats de la mode, on nous vend l’idée d’une sexualité hyperactive et survoltée. On nous impose des records d’orgasmes multiples et de rétention d’érection des heures durant, on valorise l’image de la sex-machine. Celui ou celle qui n’a pas de rapports sexuels au moins trois fois semaine est de suite taxé d’anomalie. Or si l’on en a marre de vouloir faire joli dans le catalogue, n’est-il pas temps d’en finir avec cette hystérie de la performance et de faire l’amour au rythme qui nous convient ?
Le désir sexuel n’est pas un état que l’on commande. Il monte en fonction de ce qui nous entoure et de pulsions instinctives. Et quand il apparaît, il s’exprime par des phéromones lancées en guise d’invitations. Aussi, lorsqu’il parvient à rapprocher deux individus, il n’est plus que quête de plaisirs et de sensations dans un partage de caresses et de baisers. L’orgasme, s’il se produit, n’est que la finalité de l’échange. S’il devient l’unique but à atteindre entre deux partenaires, il faut peut-être rayer la notion de faire l’amour. Après tout, le grand bonheur de la chair, l’art de la chair, n’est-ce pas de s’abandonner au plaisir du toucher sans s’obliger à l’état compétitif d’un résultat...